Début des années 90, quatre étudiants (deux sérieux, deux pas) se retrouvent régulièrement pour écouter des disques, boire du café, fumer des cigarettes etc. Arnaud (Michniak), Pierre (Capot), Anne (Tournerie) et Michel (Cloup) passent pas mal de leurs après-midi à ne rien faire d’autre que ça, ah, si, parler bouquins, cinéma et art, en plus. Ils ont une émission (« Infra ») sur radio FMR, la radio Rock Toulousaine, où ils font joujou avec un concept fumeux, l’Infrisme. L’idée globale : à l’époque où la mode est à la sous-culture, eux préfèrent imaginer ce que serait la sous-sous culture (slogan : « vous êtes des zéros, nous sommes des moins un »). Ils superposent joyeusement plusieurs disques en même temps et lisent des textes qu’ils ont écrit ou piqués par-ci, par-là : un grand mixeur sonore qui déborde de tous les côtés de collages outranciers. Ils arrivent même à faire scandale au sein de cette radio plutôt punk et gauchiste : de vrais petits cons.
Comme les après-midi sont un peu longs quand on ne fait vraiment rien, ils décident d’enregistrer des idées, des collages et même des chansons. Pendant plusieurs mois, le magnétophone 4 pistes à cassette se remplit de choses plus ou moins audibles, plus ou moins présentables. Le label Lithium, avec qui Michel est en contact via son groupe Lucievacarme, propose de publier un album en choisissant dans les kilomètres de bandes, qui seront mixées à Nantes, au studio Le garage hermétique.
L’album « C’était un lundi après-midi semblable aux autres » sort en 1993. Il reprend au pied de la lettre le concept d’infrisme, superpose des samples de groupes underground à des références du Rock ou de la musique expérimentale, car ici le sampling est plus une citation au final. L’album le plus bordélique de l’année 93 fait sensation dans le milieu du Rock indie français, alors balbutiant. Il est encensé d’un côté, et détesté de l’autre, ils l’avaient bien cherché, il faut dire. Diabologum fait quelques apparitions sur scène qui font aussi sensation et qui vont dans le même sens que ce qui est dit juste avant, mais en pire du côté de ceux qui détestent le groupe. Un fanzine dira d’une de leur performance « On ne sait pas si c’est génial ou si c’est vraiment de la merde ».
Ils décident de travailler sur un second album en prenant le contrepied total du premier (bien évidemment). Denis Degioanni rejoint le groupe à la batterie. Ils décident d’apprendre à jouer ensemble, comme un vrai groupe, et d’écrire un album pop-rock plus ou moins perverti, là encore, leur nom, évoquant une sucrerie douteuse, prend un peu plus de son sens. Ils vont en studio, enregistrent en 24 pistes, comme des professionnels.
« Le goût du jour » sortira en 1994, toujours chez Lithium. L’album aura aussi un succès critique mitigé : certains adorent, d’autres ne les supportent toujours pas. Ils iront malgré tout jusqu’à enchainer les concerts, avec notamment une tournée en première partie de Frank Black, où le bonhomme reprend un de leur morceau à chaque balance, just for fun.
En 1995, le groupe mute. Pierre et Anne ont leur premières affectations en tant qu’enseignants (ce sont eux qui étaient sérieux). Pendant plusieurs mois, le groupe est bloqué, très peu de répétions, pas de disponibilité pour des concerts. D’un commun accord, Pierre et Anne quittent le groupe afin de ne pas bloquer son développement. C’est une période assez difficile pour les quatre qui sont tristes de ce choix qui semble inévitable à tous, une sorte de passage à l’âge adulte forcé.
Il faut rebondir sur un nouvel album, proposer autre chose. Avec « Le goût du jour » Diabologum s’est encore positionné sur un certain second degré de slackers français, là, il leur semble qu’ils en ont atteint les limites. Le groupe a été assimilé à la scène pop française du moment (que certains appellent la « pop bébête »). Ils ne se sentent pas bien dans cette catégorie et ont l’impression d’avoir trop joué à être autre chose (même s’ils se sont bien marrés, au final).
Ils décident d’arrêter de déconner et de faire leur propre musique. Après quelques tentatives infructueuses avec d’autres musiciens, ils rencontrent Richard Roman, qui deviendra bassiste et guitariste. Le groupe travaille pendant plusieurs mois et assez naturellement un nouveau son émerge, plus dur, plus lourd, plus en phase avec la musique qu’écoutent les membres de Diabologum.
Les textes aussi durcissent, entre temps Arnaud et Michel ont dévoré les livres de Guy Debord et les films de Jean Eustache. Les voix délaissent aussi la mélodie pour aller vers un spoken-word scandé. Le groupe a eu une avance et a acheté un vrai sampler : ils se mettent à triturer les sons pour vraiment créer leur son.
L’album « #3 » sort fin 1996 et c’est un séisme dans le Rock Français, de gros médias en font leurs couvertures, ils jouent le titre « 365 jours ouvrables » sur Canal Plus dans l’émission « Nulle part ailleurs ». L’album se vend bien, le groupe commence à jouer sur de grosses scènes même si les concerts ne se passent pas toujours bien car Diabologum a atteint son ambition subversive, bien plus que sur ses premiers disques. Ils sont toujours adorés d’un côté, et détestés de l’autre, mais la balance penche un peu plus du premier côté. Pendant deux ans, le groupe enregistre beaucoup et joue aussi beaucoup (trop ?), en France et à l’International, à tel point que des tensions entre les membres du groupe font tout exploser en avril 98. Le groupe donnera son dernier concert à la fin de ce mois-là, à la Knitting Factory (New-York).
En 2011, le groupe se reformera dans son dernier line-up pour une courte apparition à Poitiers (exposition « De la neige en été ») et un vrai et unique concert aux Rockomotives de Vendôme, où l’actrice Françoise Lebrun les rejoindra sur scène pour un final mémorable sur « La maman et la putain ».
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